L’empereur c’est moi

Extrait :
Quand je rêve
Quand je rêve, je vois une image, je bloque cette image et j’entre dans mon rêve. Ces images s’entrechoquent, disparaissent et reviennent. J’ai peur qu’elles ne s’échappent. Alors je les dessine. Et elles existent. À l’école, on me regarde en souriant et on me dit que je suis un « cerveau lent ». Ils ne savent pas comme les images défilent vite dans ma tête. Je leur réponds intérieurement, puisque « répondre » au professeur est interdit, que si je suis un « cerf-volant », qu’attendent-ils pour me lâcher ? Dans ma tête, je tâche d’y passer le plus de temps possible, et ça ne plaît pas vraiment aux autres. Je rêve endormi, je rêve éveillé. Je suis un rêveur, comme ils disent.
Le monde n’aime pas les rêveurs : ils doivent être surpuissants et beaucoup plus malins que la moyenne s’ils veulent y trouver leur place. Sinon ils n’auront aucune chance et finiront dans la benne à ordures. Voici le sort qui m’est réservé si je continue à rêver, ou du moins si cela se voit. Seulement, sans mes images et mon rêve, je suis mort. Un pantin mort. Dont les fils seront tirés par un manipulateur secret qui s’occupe de rêver pour les autres. C’est ça qu’ils veulent : détruire les images que j’ai dans la tête pour m’imposer leur « rêve » à eux. Leur sombre songe dont je ne veux pas faire partie. Figurant du rêve général et formaté, ça ne m’intéresse pas. Ce sera sans moi et moi sans vous.
Je connais bien la forêt et je ne crains pas les fantômes. Ils savent que je les respecte et que je ne suis pas venu pour les chasser. Malheur à celui qui les méprise : il sera changé en ver de terre.
Je marche dans la forêt, toujours avec une épée en bois. Le monde n’aime pas les rêveurs. Je dois m’entraîner. M’entraîner à me battre et à résister pour rêver.
Le fantôme siffleur m’a soufflé une idée aujourd’hui. Il m’a appelé le « petit dragon ». Ce sera le début de mes bandes dessinées. Elles raconteront l’histoire du petit dragon. Difforme, le petit dragon est rejeté par son clan dès sa naissance parce qu’il ne peut pas cracher de feu. À l’école, les fantômes ont disparu. Ils n’aiment pas cet endroit et moi non plus. Les lieux sans fantômes me désespèrent. Alors je reste avec les images qui tournent dans ma tête, les images que les fantômes m’ont soufflées. À l’école, on m’empêche de traduire ces images. Elles sont « hors sujet ». Alors je me dis qu’une existence de fantôme me plairait bien. Bien plus que celle d’un écolier en tout cas. Je ne veux pas entendre les voix et les cris autour de moi. Je préfère le silence. Je suis le fantôme de l’école.